Je ne connaissais pas du tout, c'est un prof de mon département de français qui me l'a prêté. C'est une BD de Fabrice Neaud, intitulée Journal (1): février 1992-septembre 1993, aux éditions ego comme x.
Difficile de parler de quelque chose d'aussi poignant. Il s'agit d'un journal intime, né d'une volonté de franchise absolue. On assiste à la naissance du projet, au questionnement qu'il entraîne, au risque qu'il représente... Se raconter au présent, sans pudeur, avec toute la force du vécu instantané.
Une page explique parfaitement les enjeux et les dangers de l'entreprise:
Je cite le personnage qui parle, un ami du narrateur-auteur-personnage principal: "...On a trop peur de dévoiler trop de soi et ses proches. On a peur de gêner. On est frileux. On parle alors d'une fière altitude, à l'imparfait, comme si le présent du narrateur était celui du sage sur sa montagne...
...On jette sur les choses du passé un regard faussement compassé, comme si tout cela n'avait eu, finalement, que peu d'importance, comme si nos vies et ce qui nous avait fait tant souffrir autrefois
...n'avaient fait que servir un dessein supérieur: dessein d'où on parlerait aujourd'hui. Et on oublie ces fois où on s'était dit:
..."Rien n'est plus terrible, jamais je n'ai eu aussi mal". ...On oublie. On oublie, car au lieu de vivre la vie, on en tire des leçons."
Ce premier tome raconte la rencontre de Fabrice avec Stéphane. Ils se voient pour la première fois sur les remparts, et contre toute attente, ils ne font pas que baiser, ils parlent, ils vont boire un verre, ils couchent et passent la nuit ensemble chez Fabrice. L'histoire reste à peu près sans suite, ils se recroisent de temps à autre, mais Fabrice est amoureux. Et il rend compte sans complaisance de l'amour sans bornes qu'il éprouve envers cet homme qui le fuit, puis qui revient, puis qui repart. La douleur de l'amour. La souffrance physique de la passion, le sentiment déchirant que la vie ne peut pas continuer sans l'autre, et l'obligation de vivre seul cette obsession. L'impossibilité du partage. L'effroyable sentiment d'abandon face au refus. L'incompréhension, la solitude, la peur, la perte de l'autre et de sa propre confiance dans la vie.
Autant vous dire que ce n'est pas une lecture joyeuse, mais c'est un ouvrage qui respire une sincérité peu commune, qui fait simplement l'aveu d'une faiblesse destructrice - dans laquelle on aime parfois à se complaire.
C'est un livre qui fait du bien, qui rappelle la force et la beauté de l'absolu, un livre contre nos vies parfois un peu édulcorées.
Enfin voilà, c'est un beau livre.
Et pour finir, un petit dessin de mon bien-aimé Manu Larcenet:
2 commentaires:
Tu écris vraiment bien. Et ça me rapelle un peu la conversation qu'on a eue mardi dernier...
Merci Mathilde, vraiment; je ne suis pas très satisfaite, c'est un peu grandiloquent, j'aimerais être plus simple... Ca viendra avec le temps et l'expérience : )
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